Les œufs de mon petit frère

Bianca Papapietro, Atlanta, États-Unis

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Quand mon frère était petit, il tenait absolument à apprendre à cuisiner des œufs. Maman a alors réuni le reste de la famille et nous a avertis :

« Quoi qu’il arrive, vous mangerez ce qu’il prépare, même si c’est raté. »

La première fois, ils étaient à moitié crus. Personne n’osait vraiment y toucher, et lui est venu demander :

« Vous aimez ? »

« Oui, c’est délicieux », a répondu maman.

Après ce compliment, elle nous a lancé un regard sans équivoque : « Mangez. » Alors nous nous sommes exécutés, bon gré mal gré.

La fois suivante, maman lui expliqua patiemment comment reconnaître quand les œufs sont bien cuits. Fort de ce conseil, mon frère se sentit confiant… et les fit cette fois beaucoup trop cuire. Fier de lui, il en goûta un morceau, puis nous laissa seuls devant l’assiette. Nous étions bien embêtés :

« Pourvu qu’on ne nous demande pas de finir… »

Nos regards imploraient maman. Elle trancha : « Prenez une bouchée, et faites disparaître le reste discrètement. » Nous avons donc planqué le surplus dans la poubelle, pour qu’il ne s’en aperçoive pas et ne perde pas courage.

Maman a toujours eu mille attentions pour que mon frère garde l’envie de cuisiner et la confiance en lui. En suivant son exemple, nous avons grandi plus soudés que jamais. Aujourd’hui encore, même si nous sommes très différents, nous restons liés par ce ciment invisible : quoi qu’il arrive, nous serons toujours là les uns pour les autres.